Aujourd’hui, parlons un peu de la tenségrité et de la biotenségrité. Principe mécanique issue du domaine architectural, la tenségrité est de plus en plus appliquée à la biologie et trouve une résonance toute particulière en ostéopathie et en fasciathérapie notamment.
La tenségrité, qu’est-ce que c’est ?
Peut-être avez-vous déjà pu observer des images de ces constructions géométriques spectaculaires faites de tubes et de câbles qui défient les lois de la gravité et semblent tenir debout par magie ? Ces constructions reposent sur le principe de tenségrité. Nous avons tendance à appréhender la stabilité d’une structure par la résistance de chacun de ses constituants, autrement dit, pour tenir debout, une tour doit être un assemblage de constituants rigides reposants les uns sur les autres. Les architectes nous ont montrés que non ! Grâce au principe de tenségrité, il est possible de construire des structures en utilisant des composants rigides discontinus, reliés entre eux par des composants souples comme des câbles. Le tout forme un ensemble autoportant, rigide mais déformable, stabilisé grâce à la répartition et à l’équilibre des contraintes mécaniques au sein de la structure. C’est la répartition des forces de tension et de compression qui stabilisent le système tout en lui assurant une certaine plasticité.

Le concept de tenségrité est né en 1949, suite aux travaux de l’architecte américain Richard Buckminster Fuller. L’idée était de réaliser des structures auto-portantes associant des « îlots de compression dans un océan de tensions ». Le terme tenségrité (tensegrity) vient ainsi de la contraction des mots « tensile » et « integrity », rendant compte d’une tension intégrale et intégrée. C’est le sculpteur américain Kenneth Snelson qui produira les premières structures en tenségrité, dans les années 1950. Ses sculptures, faites de tubes qui semblent flotter au sein d’un réseau de câbles, ont fait sensation et ont bien réussi à démontrer ce concept mécanique.

La tenségrité dans la nature ou le concept de biotenségrité
De manière générale, la tenségrité semble omniprésente dans la nature, de l’échelle microscopique à macroscopique. Les chercheurs en biologie se sont d’ailleurs vite intéressés à ce concept, notamment dans le domaine de la biomécanique cellulaire, afin d’expliquer la solidité des cellules. En effet, le squelette des cellules, encore appelé cytosquelette, comporte des microtubules reliés entre eux par des filaments exerçant un réseau de contraintes compressives. Le tout peut être considéré comme une structure en tenségrité.
De là à faire un rapprochement avec le squelette humain, il n’y a qu’un pas. C’est ce que fait Ingber dans les années 1970, alors qu’il étudie en parallèle la biologie cellulaire et la sculpture. En effet, le corps se comporte comme un ensemble d’éléments rigides et discontinus (les os) mis en tension par des éléments élastiques : les tissus conjonctifs (autrement dit les fascias, ligaments, et capsules articulaires) et les muscles. C’est cet assemblage aux propriétés mécaniques distinctes qui permet au corps de rester debout, de s’adapter en permanence, de maintenir son équilibre lors de mouvements de grande amplitude ou de résister à des forces importantes. Dans un certain sens, le système musculo-squelettique pourrait ainsi être également considéré comme un système de tenségrité. On parle alors de biotenségrité.
Le principe de tenségrité trouve donc de nombreuses applications, notamment dans les domaines de la biomécanique et en thérapeutique (ostéopathie et fasciathérapie).
Tenségrité et fasciathérapie
De plus en plus, l’idée que les fascias jouent un rôle primordial dans la dynamique du corps humain prend de l’ampleur. Les fascias, réseau fibrillaire qui recouvre tous nos organes et nos muscles, assurent notamment l’efficacité du glissement des structures sous-jacentes lors de nos mouvements. De nombreux ostéopathes considèrent désormais que les fascias représentent une enveloppe tensègre qui permet de maintenir l’intégrité de la structure du corps et de préserver ses capacités fonctionnelles. Du point de vue de la tenségrité, les os jouent ainsi le rôle d’éléments de compression, contrebalancés par les fascias qui jouent le rôle d’éléments de tension. Supprimons les fascias et le corps tout entier s’écroule. De plus, les fascias sont en liens étroits avec les cellules, qui sont fixés entre elles mais également au collagène du tissu conjonctif. Cette interface est le siège d’interactions complexes et de transmission d’informations mécaniques qui vont se transformer en informations biochimiques. Toute variation locale au niveau des fascias est donc ainsi transmise à l’ensemble du corps. C’est ce qui assure notre intégrité fonctionnelle, mais c’est également de cette manière que des déséquilibres ou des traumatismes peuvent se répercuter de manière globale.

Il peut arriver en effet que les fascias conservent les empreintes de traumatismes, comme des œdèmes, des inflammations, une cicatrisation… Ces empreintes entrainent des dysfonctions du tissu conjonctifs et des déséquilibres. La tenségrité du corps est alors mise à mal, engendrant des douleurs ou des difficultés à mobiliser certaines parties du corps. L’approche thérapeutique, notamment en fasciathérapie, peut donc s’envisager comme une restauration de la tenségrité des structures. Les déséquilibres tissulaires sont en effet perceptibles par le fasciathérapeute, qui pourra alors agir sur les dysfonctions des fascias. Le but de la fasciathérapie est ainsi de faire retrouver au corps son équilibre et une harmonie dans le mouvement, les fascias étant essentiels dans la régulation tonique du corps.
Pour observer par vous-même de la réalité de ce concept, il existe sur internet de nombreux petits tutos permettant de construire sa petite structure basée sur la tenségrité, chez soi et avec peu de matériel. Bricoleurs ? À vos outils !
En voici un exemple ici : https://www.18h39.fr/articles/ce-tuto-de-construction-en-tensegrite-defie-les-lois-de-la-gravite.html